mercoledì 11 luglio 2012














Luigi Alcide FUSANI



La dernière mise en scène de Hoffmann Sandor


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La dernière mise en scène de Hoffmann Sandor by 
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Sur un écran, sont projetés des portraits de Kafka.
Une voix dans les coulisses:

La colonie pénitentiaire, est située sur une ile.
Un explorateur étranger y aborde et il est invité à assister à l'exécution capitale d'un condamné, pour insubordination et outrage à un supérieur.
La peine est exécutée au moyen de la "machine", une invention du commandant précédent. L'organisation de toute la colonie a été son œuvre.

L'officier chargé de l'exécution, explique à l'explorateur le fonctionnement de la machine.
La machine est composée de trois parties: la partie inférieure, appelée le lit, la partie supérieure, appelée le dessinateur et la partie médiane, oscillante, la herse.
Le condamné, complètement nu est installé, allongé, sur le lit
Le dessinateur est l'ensemble des machineries qui régissent le fonctionnement de la machine.
La herse est faite en verre, afin de permettre à chacun de contrôler l'exécution de la sentence; la herse contient des aiguilles qui en s'abaissant et en vibrant, transpercent le corps du condamné.
De cette façon, on grave sur le corps du condamné, le commandement qu'il a violé.

Le condamné ne sait même pas qu'il a été condamné, il n'a pas eu la possibilité de se défendre et il ne sait pas pourquoi il a été condamné; il apprendra à le découvrir sur son propre corps.
La culpabilité ne se discute jamais.
L'exécution dure douze heures. Au cours des six premières, le condamné vit presque comme avant, il ne ressent que de la douleur. L'homme commence à s'apaiser seulement vers la septième heure; l'intelligence s'entrouvre, même chez le plus obtus et l'homme déchiffre ce qui est écrit à travers ses blessures.
Lorsque la sentence a été exécutée, l'officier et un soldat l'enterrent.

Aujourd'hui, le nouveau commandant met tous les prétextes à profit, pour combattre les vieilles institutions (sa façon de penser est liée aux préjugés de la culture européenne); au contraire, l'officier met toutes ses forces à maintenir en vie ce qui existe.
L'officier demande de l'aide à l'explorateur pour défendre la machine, l'ordonnancement et les procédures mais il ne l'obtient pas.
L'officier libère alors le condamné, se place lui-même sur le petit lit et met en marche la machine qui commence à inscrire sur son corps: "Sois juste".
L'explorateur s'éloigne du lieu de l'exécution. Retournant au port, il passe près des palais du commandement, tous, en très mauvais état. Le vieux commandant y est enterré.

"Ici repose le vieux commandant. Ses disciples, dont on ne doit plus désormais citer le nom, ont creusé cette tombe et posé cette plaque. Il est une prophétie qui dit que le commandant, après un certain nombre d'années, ressuscitera et mènera ses disciples à la reconquête de la colonie. Croyez et attendez".

Bonjour,

Permettez-moi de me présenter: Je suis Luigi Von Hessen, fils du baron Karl Von Hessen et de la comtesse Giovanna Visconti Ferrari… Je ne pense pas qu'il soit indispensable de dire autre chose sur les familles dont je descends…
Je suis ici ce soir, sur cette scène, pour accomplir les dernières volontés de mon père, récemment disparu après une longue vie marquée par une insupportable douleur.
Douleur et honte… qui l'on porté, il y a plus de cinquante ans, à s'enfermer dans un silence impénétrable… une aphasie totale.

Brièvement… mon père est né à Berlin en 1918, brillant étudiant, il est arrivé au terme de ses études secondaires, avec une certaine avance sur la moyenne des autres étudiants.
Après le lycée, il s'inscrivit à l'Institut Polytechnique pour y suivre des études de génie mécanique… et ici encore, ses résultats furent excellents.
Cependant, en même temps qu'il fréquentait l'université, il s'intéressait également aux arts et à la philosophie… il écrivait des histoires, fréquentait des ateliers d'artistes… il était surtout très attiré par le cinéma. Cet intérêt le porta à assister au tournage de plusieurs films et à se lier d'amitié avec quelques directeurs artistiques… aujourd'hui, on dit "metteurs en scène".
Cet intérêt, ces amitiés, conditionnèrent toute sa vie.
Hélas pour lui, le hasard voulut qu'il vécût à l'endroit et à l'époque de l'histoire, dominée par le national-socialisme.
Notre famille… particulièrement mon grand-père, avait toujours nourri un dédain aristocratique et détaché envers le national-socialisme…
Mon grand-père avait cherché par tous moyens à ne pas être compromis, et à en tenir éloignée tous ses proches, mon père compris.
C'est pour cela que, lorsque la guerre éclata, par l'entremise de quelque connaissance, mon père, au lieu d'être envoyé sur le front de l'Est, en garnison dans les territoires occupés, fut affecté aux appareils chargés de réaliser des documentaires et les films de propagande du régime et de ses grandes réussites.

Après guerre, mon père subit un bref procès, au cours duquel fut reconnue son innocence, au regard des crimes de guerre les plus graves, commis dans ces années-là. En '47, après de brèves fiançailles, il épousa ma mère. Il quitta l'Allemagne et s'installa dans une villa de famille que nous avions sur le lac de Garde, près de Riva.
Moi et ma sœur, sommes nés en '49 et '51… en '54 mon père tomba malade et depuis pratiquement, il a toujours été assisté. Il passait ses journées à faire de longues et lentes promenades, à écouter de la musique, Bach en particulier…
Il semblait… ne voir personne devant lui… il paraissait toujours regarder au loin… sans doute, dans son passé…

Lorsqu'il mourut, à presque quatre-vingt dix ans, j'ai reçu une lettre de l'étude notariale Casali-Borromeo, les notaires qui s'occupent depuis toujours du patrimoine de notre famille. Ils me convoquaient à leur étude pour accomplir les dernières volontés de mon père. Je fus reçu par Alberto, aujourd'hui en charge de l'étude et aussi par son père, le vieux Giovanni Maria… qui a désormais presque quatre-vingt dix ans et qui avait été pour mon père, plus qu'un administrateur de biens… sans doute avait-il été son seul véritable ami.
A peine arrivé, il vint à ma rencontre en souriant, comme toujours. L'étude était dans la pénombre, alors qu'à cette heure du début de l'après-midi, l'endroit aurait été habituellement très éclairé.
Il ne me fit pas assoir devant le bureau… Il me pria de prendre place près de lui sur le grand canapé… "Cher Luigi, nous t'avons appelé seulement maintenant, parce que ton père avait donné des instructions pour que tu reçoives ces matériaux, seulement après sa mort… bien sur, il n'imaginait pas vivre aussi longtemps… peut-être craignait-il que tu ne le juges… il se jugeait déjà lui-même avec dureté… il ne se pardonnait pas… il ne voulait pas oublier. Il ne voulait pas oublier…"
A ce moment là, Alberto intervint: "laissons-là les souvenirs. Ecoute Luigi, nous avons ici des choses à te remettre de la part de ton père… ce sont des choses que ton père a déposées ici en 1954… en mai 1954, peut de temps avant qu'il ne se mure dans un silence définitif.
Voici une enveloppe… elle contient un livre… c'est une vieille édition de "In der Strafkolonie"… "Dans la colonie pénitentiaire" de Kafka et une longue lettre pour toi… Il y a aussi deux boites… dans l'une il y a un film… dans l'autre il y a un vieux projecteur… tu dois voir quelque chose…", puis il commença à s'affairer "… viens, viens voir comment ça fonctionne… parce qu'ensuite tu devras emporter cette machine…".
Après quelques minutes nous étions prêts. Même les derniers interstices de lumière avaient été fermés… Plus de cinquante ans après sa dernière projection, nous allions voir…, "Dans la colonie pénitentiaire", un film inédit de Hoffmann Sandor, librement inspiré du récit de Franz Kafka, monté par Karl Von Hessen.

Hoffmann Sandor, metteur en scène hongrois, juif, né à Budapest en 1906, très actif en Allemagne jusque dans les années '30, comme Lang, Ophüls et Billy Wilder.
Quand il fut interdit de travail, il ne voulut pas émigrer aux Etats-Unis; sa famille étant à l'abri du besoin, il préféra vivre entre Berlin et la Hongrie, espérant des temps meilleurs et écrivant, sous un pseudonyme ou pour le compte d'autrui, des comédies légères, des scenarios d'opérettes et des adaptations de récits et de romans pour le théâtre.
Arrêté à Budapest et déporté en mai '44, il mourut au camp de Kulmhof en janvier 1945, peu de jours avant la libération de ce même camp, tué par un officier S.S qui, pris d'une furie incontrôlable, tirait sur les déportés encore vivants, en hurlant: "… détruisez tout ! Détruisez tout !".

***


"Cher Luigi, je ne sais pas dans combien d'années tu liras cette lettre; certainement qu'à ce moment-là, tu seras déjà un homme. Je t'écris avant qu'il ne soit trop tard, parce que je sens que quelque chose en moi ne va pas: je ne réussis pas à dormir, la nuit… je mange toujours moins et je perds continuellement du poids; de temps en temps je suis pris de dépression et par l'envie de mettre fin à mes jours. J'ai résisté jusqu'ici en étant soutenu par la volonté de mener mon travail à terme, un but qui peut-être contribuera à racheter un peu la mémoire et le bilan de ma vie. Que Dieu ait pitié de moi et toi aussi, pardonne-moi.
Je viens de finir le montage du film "Dans la colonie pénitentiaire", film secret de Hoffmann Sandor mon maître et mon ami. Si les notaires Casali - Borromeo respectent mes volontés, en ce moment, tu devrais l'avoir déjà vu. C'est une œuvre absolument inédite. Sa valeur artistique et documentaire est incalculable. Maintenant, seuls le notaire et toi connaissez son existence. Je te le confie pour que tu le fasses connaître.
Papa"

Les autres pages contenaient le récit de sa rencontre avec Hoffmann Sandor… l'histoire du film… comment il avait été conçu… comment il avait été réalisé.

" Cette histoire commence aux environs de 1936; j'étais alors, en première année de génie mécanique à l'institut polytechnique de Berlin. L'ingénierie n'était pas mon unique préoccupation mais la mécanique m'intéressait; en particulier la mécanique rationnelle; étudier et analyser le mouvement de façon mathématique, pour pouvoir construire des machines au fonctionnement parfait. Dans notre cours, nous nous intéressâmes également à la fabrication d'une nouvelle caméra – couleur, équipée du processus Agfacolor; j'étais fasciné par le fonctionnement de cette machine qui pouvait enregistrer le mouvement, l'action… pour la restituer ensuite sur l'écran…
Pour l'essayer, nous nous rendîmes dans un studio de tournage… on tournait une comédie médiocre; parmi les personnes présentes, je reconnus Hoffmann Sandor, une connaissance de mon père; un hongrois. Sa famille était en affaires avec la notre.
Il travaillait comme scénariste. Je le saluai et il fut heureux de me voir; il m'invita dans un bar à côté ; il dit que "de toutes façons, par les temps qui courent…", moins il se montrait en public, mieux ça valait pour lui… il pouvait parler librement, parce qu'il savait que dans notre famille personne n'avait de sympathie pour Hitler. Aussi bien nous que lui, attendions avec impatience, que cette parenthèse historique se termine au plus vite. Lui était convaincu que cela arriverait rapidement.
Il s'ouvrit un peu. Il me dit que le cinéma allemand n'était plus celui d'autrefois… depuis que ses amis, les meilleurs… avaient fui en Amérique. Il me parla de Fritz Lang, de Max Ophüls, de Billy Wilder; il me raconta comment ils travaillaient, comment ils pensaient, comme ils étaient. Il me raconta leurs films, il me les expliqua… j'avais dix-huit ans. L'entendre les décrire était bien plus beau que de les voir au cinéma. C'était un récit fascinant et passionnant. Nous restâmes là tout l'après-midi, à boire de la bière. Il était plus âgé que moi mais on ne pouvait pas dire qu'il était vieux; il avait seulement trente ans. Cet après-midi là, nous devînmes amis. Cet après-midi là, il me transmit sa passion pour le cinéma.
Nous nous rencontrâmes encore… souvent. Parfois dans les studios, parfois en plein air, là où on tournait des documentaires mais toujours plus souvent dans des bars, dans des cafés, dans des brasseries parce que désormais, ils faisaient de moins en moins appel à lui. Il réussit à m'expliquer beaucoup de choses, il réussit à me faire comprendre presque tout. Comment on conçoit un film, comment on en fait le projet, comment on le réalise, comment on dirige les acteurs, comment on fait les prises, comment on fait le montage. Tout. Il me raconta comment il avait débuté en faisant l'assistant de Lang; comment il avait réalisé ses premiers films, comment il avait obtenu ses premiers succès avec des drames expressionnistes, comme " La force de la haine", "Contre le destin" et surtout avec "Le château", tiré du roman de Kafka.
Une année plus tard, il décida de quitter l'Allemagne, mais désormais, pour ainsi dire, j'avais été contaminé. Il retourna en Hongrie où il était convaincu d'être plus en sécurité. Là-bas, le premier ministre, était conscient du fait que les juifs étaient l'épine dorsale de la nation et il les aurait protégés à outrance; à peine d'une tragique décadence pour la Hongrie toute entière.
Le dernier jour avant son départ, nous nous retrouvâmes à l'habituel café. Il me remit un cadeau qu'il m'avait apporté: une vieille édition des œuvres de Kafka; une édition précieuse, alors introuvable car à cette époque, Kafka était considéré comme un écrivain dégénéré; un auteur hors-la-loi et ses livres avaient été brûlés. J'ai toujours conservé ce livre et j'aimerais qu'au moment de ma mort, il soit enterré avec moi… mais sans doute ça vaudra mieux que tu le conserves.
Même après son départ, je continuai à fréquenter les studios de cinéma et je commençai également à collaborer à la réalisation de documentaires et de films de propagande.
Lorsque la guerre éclata en '39, je venais à peine de terminer mes études à l'institut polytechnique. Mon père obtint du colonel Walter Staub, collaborateur direct, on pourrait dire le bras droit de Goebbels, que je sois affecté au Ministère de la Propagande, dans les services de production cinématographique. J'aurai ainsi travaillé dans la "fabrique du consensus".

Je fus convoqué au ministère, un matin de février 1940. Ce fut là, la première de mes deux rencontres avec le colonel Staub. C'était un matin froid, le ciel était couvert. J'arrivai à l'heure, comme d'habitude; mieux, avec quelques minutes d'avance. Il me pria de m'assoir, presque tout de suite. Le bureau était garni de meubles massifs et sombres. Les drapeaux et les étendards rouges et blancs avec les croix gammées donnaient à l'ensemble un ton vulgaire. L'entretien fut désagréable. Le colonel ne pouvait pas directement me traiter d'embusqué; le respect pour mon père et pour qui m'avait recommandé le lui interdisaient. Il avait certainement eu connaissance du peu d'enthousiasme et même de gêne qui caractérisaient les rapports entre mon père et le régime et donc, il n'hésita aucunement à exalter longuement l'héroïsme et le sacrifice valeureux des jeunes - gens engagés en Pologne.
Après avoir vidé son sac, il me dit que la propagande avait un rôle central dans le soutien de la population civile aux entreprises du Führer, du peuple et de l'armée allemande… cependant, il considérait personnellement que les moyens de propagande les plus efficaces étaient la radio et les rassemblements de masse, où Hitler en personne, tel un phare incandescent irradiait directement par son inépuisable énergie, chacune des milliers de personnes rassemblées pour l'écouter et le vénérer.
Il était perplexe sur l'efficacité du cinéma… il soutenait que les films documentaires de Leni Riefenstahl pouvaient, oui, restituer… mais seulement en partie, la grandeur de l'Allemagne national-socialiste. Il était aussi contre les documentaires… les documentaires sur le front ou les camps de travail, qui auraient pu donner une vision superficielle et donc fausse, de la réalité.
Ainsi par exemple, si dans un documentaire sur le front, on montrait un soldat blessé ou un soldat mort, la majeure partie des spectateurs ne verrait seulement qu'un mort ou un blessé et éprouverait de la pitié et des regrets. Comment montrer l'âme du soldat, son esprit de sacrifice, le bonheur de se sacrifier pour la victoire du peuple allemand, au nom du triomphe final.
Sur un ton sentencieux, il ajouta que celui qui se dédie à la documentation par l'image… doit être habile à montrer les choses de façon à ce qu'elles puissent  vraiment profiter à la cause; il est difficile de montrer la réalité… la vraie réalité… de la rendre crédible avec seulement des images… si on ne peut mieux faire, mieux vaut ne rien montrer du tout.
Il ne faut jamais oublier que ce que nous montrons pourrait aisément être instrumentalisé par l'adversaire…
Mieux… la radio, c'est beaucoup mieux. Avec la radio c'est beaucoup plus facile, en utilisant des mots à fort pouvoir évocateur, de construire la vraie réalité… une réalité qui pourra paraître fausse à certains mais qui peut au contraire se révéler plus authentique et plus vraie que celle qui apparaît.
Il termina en citant le Führer "les masses sont plus facilement victimes d'un grand mensonge que d'un petit". Puis il ajouta "je dirais que les masses ne sont pas en mesure de reconnaitre seules la vérité authentique; c'est pour cela que nous travaillons, nous, au sein de ce ministère. Ne l'oubliez jamais".
Ensuite, il m'accompagna dans un bureau proche du sien où un employé me donna les instructions nécessaires pour commencer mon service.
Pendant près de quatre ans, je fus employé à documenter les engagements de l'armée allemande sur tous les fronts de la guerre. Il s'agissait principalement de matériaux destinés aux actualités cinématographiques. Naturellement, dans mon travail, je m'en tenais scrupuleusement aux directives du colonel Staub. Un travail soigné, tout en réticence … effectué simplement en disposant la camera au bon endroit, au bon moment!
Au printemps '44 alors que je me trouvais à Berlin pour le montage de plusieurs documents filmés sur le front, je fus à nouveau convoqué au ministère. Le colonel Staub me reçut encore, pour la seconde et dernière fois.
Les choses commençaient à aller mal à tous points de vue mais ce qui ennuyait le plus le Ministère de la Propagande c'étaient les "bruits colportés, les dénonciations, la propagande de l'ennemi" toujours plus insistants sur ce qui se passait dans les camps, qui se répandaient dans le monde entier et l'hostilité des opinions publiques envers le national-socialisme qui progressait de plus en plus. Le temps était venu de construire un "grand mensonge". Les autres peuples ne pouvaient comprendre l'importance du "travail"… pour l'appeler ainsi, qui se faisait dans les camps.
On me confia un grand projet. J'étais envoyé au camp de Kulmhof en Pologne, à environ cent kilomètres de Potznan; un camp qui se distinguait par une particulière efficacité, due aux extraordinaires capacités d'organisation de son comandant qui l'avait dirigé jusqu'à peu de temps avant, avant de mourir d'un infarctus en pleine activité, à pas même soixante ans. Là, je devais tourner un film, non plus un documentaire mais au contraire, un véritable film de fiction, pour montrer au monde la "véritable" réalité des camps.
On me remit également un pli cacheté, pas très volumineux, mais plutôt précis, sur c e qui avait été pensé, et que je devais réaliser.
Il fallait avant tout montrer que dans les camps, tous les internés étaient traités avec respect et humanité; tous étaient bien nourris, avec des nourritures pauvres mais saines; les vieux étaient soignés et respectés; on leur demandait conseil; les enfants éduqués, instruits aux sciences, aux mathématiques, à la littérature, à la musique et surtout élevés dans les sains principes de l'Allemagne nazie.
Les filles étudiaient la danse et donnaient de petites représentations dans le petit théâtre du camp.
Il fallait montrer que les internés, hommes et femmes, étaient heureux de travailler dans les industries installées tout autour du camp; industries électriques, mécaniques, chimiques, militaires. Tout pour le succès de notre Allemagne. Tous étaient volontaires; tous invités à rester mais tous, pratiquement libres de partir à tout instant.
Nous devions raconter cela: libres de partir, en perdant certes, beaucoup de privilèges. Libres de partir, ces malheureux qui "ne comprenaient pas", ces malheureux qui voulaient sortir du sillon lumineux qui conduisait tout droit à la gloire, ces malheureux, ces perdants, destinés à manquer pour toujours le fatal rendez-vous avec le destin et à mendier à l'angle d'une rue quelconque …

Quatre jours plus tard, j'arrivai au camp de Kulmhof. On avait mis à ma disposition une voiture et un opérateur qui servait aussi de chauffeur. Voyageaient aussi avec nous, deux ouvriers spécialisés en matière de décors, dans un camion où avaient été déposés la camera, les négatifs, les réflecteurs, les matériels de charpenterie, quelque élément de décor qu'à Berlin on avait jugé utile d'ajouter. Le scénariste, un architecte particulièrement silencieux; probablement soupçonneux, m'accompagnait également. Il ne cessait de prendre des photos avec son Voigtländer. Des photos de paysages mais parfois, entraient aussi dans son objectif, les ruines provoquées par les bombardements ennemis. Il avait aussi un carnet de dessins, sur lequel il traçait continuellement des esquisses en blanc et noir avec un crayon tendre. Sur chaque feuille, il inscrivait aussi des notes sur le lieu, le jour et l'heure.
Pendant le voyage, je commençai à étudier le plan du documentaire de "fiction". A chaque scène, je lui demandais son avis, sur la faisabilité et lui immédiatement, traçait deux ou trois croquis, qu'il commentait pour me montrer les avantages et inconvénients des diverses options et me permettre de choisir.

Le camp se trouvait dans une zone assez isolée, une clairière à environ cinq kilomètres du centre du village, mais séparé par un bois.
Nous arrivâmes en fin d'après-midi. Nous fumes reçus par le vice-commandant; le commandant avait du se rendre à Berlin pour présenter un rapport sur le fonctionnement du camp, et il ne devait rentrer que le lendemain. On nous accompagna à nos quartiers et on nous informa que le dîner serait servi à sept heures précises. Au cours du dîner notre hôte fut très gentil avec nous; il déclara que c'était sans aucun doute un grand honneur que ce camp ait été choisi pour réaliser un documentaire sur la grande œuvre que le Troisième Reich était en train de réaliser. A l'évidence, il n'avait pas compris le sens de notre travail. Je ne tentais pas de le contredire, lui faisant des réponses génériques de pure courtoisie, répondant que nous aurions eu besoin de son aide et de tous ceux qui se trouvaient à l'intérieur du camp. Il nous garantit que pour autant que cela fût en son pouvoir, son soutien aurait été inconditionnel. Après le repas, il m'invita dans sa chambre, pour m'offrir un cognac et me montrer les dessins de plusieurs "importants projets". De toute évidence, je lui avais inspiré confiance; peut-être avait-il pris ma courtoisie pour une sorte de complicité et donc, dans l'espace privé de sa chambre, il m'ouvrit son cœur et son esprit.

Avant toute chose, une admiration sans bornes pour le précédent directeur, qui avait dirigé la construction du camp et mis au point son règlement et son fonctionnement. Il soutenait qu'avec lui j'aurais été à mon aise, parce que lui aussi était un ingénieur. Il était mort d'un infarctus quelques mois auparavant; il avait dédié toute son énergie au camp et il avait voulu y être enterré, dans une tombe humble, sous une simple dalle de marbre, en haut, sur la colline.
Pour lui, c'était un ingénieur génial; oui, un génie qui avait mis au point des méthodes toujours plus efficaces pour combiner travail forcé et extermination systématique. L'objectif consistait à éliminer la plus grande partie de "pièces" de façon rapide et efficace, il fallait économiser des munitions, qui étaient précieuses pour la progression sur le front de l'Est et il y a avait des solutions bien meilleures que les chambres à gaz. Il me montra des dessins, des projets; il y a avait une sorte de fauteuil de dentiste qui comportait une lame très fine, une sorte de poinçon qui grâce à un mécanisme à ressort, pénétrait dans la nuque provoquant la mort immédiate… un genre de garrot. Simple, économique, rapide et même humanitaire, parce que la victime mourrait sans souffrir, presque sans s'en rendre compte.
Il dit: " il faut que le vrai coupable paie la juste peine pour son crime, même avec des méthodes plus humaines ".
Il y avait aussi ce projet qui montrait comment devait être aménagé le "studio", avec des toboggans pour faciliter l'évacuation des cadavres et ensuite, leur écoulement.
Il était affligé parce qu'avec la mort du vieux commandant, tous ces merveilleux projets étaient restés sur le sable. Kulmhof aurait du devenir le modèle pour tous les camps du Reich. Il commença à se lamenter; à Berlin, ils n'avaient surement pas compris l'importance de ces projets et le nouveau directeur ne faisait rien pour les développer ni pour obtenir les autorisations nécessaires à leur expérimentation.
Les verres de cognac que le vice-commandant avait bus, commençaient à faire leur effet. Il déversa toute la rage qui brûlait son âme. D'après lui, le nouveau commandant l'avait supplanté, seulement parce qu'il était l'ami et le parent de personnalités haut placées dans le régime. La place de directeur lui revenait; lui qui avait été dès le début, aux côtés du vieux commandant; lui, qui avait vu le camp naître, grandir et devenir ce magnifique exemple d'efficience que toute l'Allemagne admirait; lui qui connaissait tous les projets d'amélioration.
Au contraire, le nouveau directeur ne favorisait pas l'activité du camp, et même, il la ralentissait pour ne pas dire qu'il l'entravait proprement, par tout moyen.
Il exprima son entière réserve devant la diminution du nombre de déportés envoyés aux chambres à gaz. Il me montra des listes méticuleusement détaillées des exécutions, des morts par maladie, des morts gazés.
"Pendant que dans tout le Reich, les camps augmentent leur efficience, conformément aux directives données par Berlin, nous seuls, enregistrons une diminution… presque de 14%... au cours des trois derniers mois",
"L'efficacité de notre structure et le seul mètre étalon de ce qui est bon et de ce qui est mauvais".
Il ouvrit un couteau à cran d'arrêt, au manche en os blanchi et la lame entièrement décorée; il le planta dans la table; " Cà, c'est le vieux commandant qui me l'a donné, demain, je vous ferai voir comment il s'en servait, lui…! Je vous attends à sept heures pour vous montrer le fonctionnement du camp, je veux vous faire voir cela avant l'arrivée du nouveau commandant. Bonne nuit.".

Le lendemain, à sept heures, nous étions au centre de l'esplanade. Les internés étaient alignés et le vice commandant allait et venait nerveusement. Lorsqu'un homme éternua, le vice commandant s'arrêta tout d'abord puis il s'approcha de l'homme; il avait trouvé le prétexte qu'il cherchait. Il le fit sortir des rangs.
"Que signifie cet éternuement ?". L'homme ne répondit pas. " C'est sans doute pour faire comprendre à nos invités que les vêtements qui vous ont été distribués ne vous couvrent pas suffisamment ?"
"Non Monsieur, non!". Le vice commandant lui arracha sa casaque et le laissa torse nu.
"… c'est peut-être un moyen pour faire comprendre que votre logement n'est pas suffisamment chauffé ?"
" Non Monsieur, non!"
"… Tu sais, il y fait plus chaud que dans les maisons de beaucoup d'allemands qui meurent de faim et de froid, à cause de cette guerre…"
Nous agissons aujourd'hui au nom du créateur tout puissant… En nous battant contre le juif, nous nous battons pour l'œuvre de Dieu!", hurla-t-il, pour que toute la place l'entende.
Puis se tournant vers moi " Voyez-vous, monsieur l'officier, cet individu est un …juif – il prononça ce mot avec un certain dégoût – on le reconnaît de suite, par son étoile jaune - il hésita un instant comme s'il finissait de recharger sa rage, puis d'une voix contrôlée mais féroce, il dit - … il faudrait la lui tatouer sur la peau… et ne pas la lui coudre sur sa casaque… le vieux commandant le disait lui aussi… il procédait ainsi…" et à ce moment-là, il sortit son couteau à cran d'arrêt et lui porta six estafilades sur la poitrine, dessinant une étoile de sang. L'homme commença à perdre son sang en abondance mais il restait debout en se tordant à peine. Alors, le vice commandant lui planta le couteau dans le cœur et l'homme s'écroula sur le sol.
L'officier vint vers moi pendant que les autres déportés, aux ordres des autres officiers, s'éloignaient pour se rendre à leurs postes de travail. Le corps de l'homme assassiné resta sur le sol, là où il était tombé.
Il dit: "les moyens de gouverner le camp sont la force et la terreur
nous devons fermer nos cœurs à toute piété et assumer un comportement brutal.
Nous devons être cruels, nous devons nous aider à être cruels, nous garderons quand même notre conscience, propre… supprimer une vie inutile n'entraîne aucune faute. Le faible doit être détruit". Il parlait comme un automate, comme s'il récitait une leçon apprise par cœur.

Le camp était plutôt grand, il nous fallut toute la matinée pour le parcourir, pour visiter les baraques, les services, les fours crématoires. Le vice commandant m'expliquait le fonctionnement de tout ce que nous visitions et surtout, il mettait en évidence les changements que le vieux commandant avait voulu réaliser pour accroître l'efficience du camp.
Cependant, le fonctionnement n'était somme toute pas différent de celui des autres camps: à leur arrivée, les prisonniers étaient divisés en deux groupes: les déportés trop faibles pour travailler, qui étaient éliminés immédiatement dans les chambres à gaz et dont les corps étaient brûlés; et les autres qui étaient affectés à des ateliers à l'intérieur et autour du camp. Le typhus, la faim, les rythmes de travail massacrants décimaient les déportés tous les jours.

A midi, lorsque nous revîmes, le commandant venait de rentrer. Il semblait assez fatigué. Il m'invita à manger à sa table et il me demanda de parler du projet. Je lui dis quelles étaient les intentions du ministère et je lui fis également part de mes doutes sur les possibilités de faire convenablement le travail, après ce que j'avais vu le matin même. Lorsque j'avais quitté Berlin, j'imaginais que la situation devait être dramatique dans les camps mais pas jusqu'à un tel point. Il ne répondit pas et me dit qu'au cours de l'après-midi nous ferions un nouveau tour, lui et moi, un survol et nous étudierions ce qu'il serait possible de faire. A l'évidence, il n'avait pas l'intention de se faire entendre par les autres officiers pendant qu'il exprimait ses pensées.
Au cours de la promenade de l'après-midi, loin des oreilles indiscrètes, il me fit part de son pessimisme total sur la situation. Désormais c'était clair: la guerre était perdue, la fin imminente n'était plus qu'une question de mois. Il fut également très sévère avec l'appareil de propagande du régime. " La propagande a écrasé la raison, la logique, l'évidence. La propagande a écrasé la pensée; au lieu d'écouter les paroles de nos philosophes, des nos écrivains, de nos poètes, nous nous sommes laissés éblouir par les boniments de… les boniments de la propagande. Nous sommes tous coupables, vous… encore plus que nous. De toute façon nous ne pouvons plus rien faire. Il fallait s'arrêter avant. Maintenant il faut jouer notre partition jusqu'au bout, faire notre devoir, et en assumer la responsabilité".
Nous terminâmes notre tour en silence.
Je me retirai dans ma chambre et je commençai à travailler sur les matériaux que j'avais reçus du ministère. Pendant le voyage j'avais pris des notes pour "Une journée au camp de Kulmhof".  Le découpage du documentaire devait montrer le lever de soleil sur le camp, le réveil, la toilette matinale et une séance de gymnastique en plein air… puis les adultes au travail, hommes et femmes, et les enfants à l'école. Les cuisines où l'on, préparait les repas et la pause – déjeuné, un bref repos, avant de reprendre les activités d'après-midi, les enfants faisant leurs devoirs, s'exerçant à la musique, les filles au chant et à la danse. Temps libre pour les besoins individuels avant le repas du soir et enfin, le soir, leçons "d'histoire et d'éducation" pour tous. Le repos, la nuit, pendant que la lune illumine le bois.
Les jours suivants, je montrai le projet au scénariste, au commandant et au vice commandant du camp. Nous parlâmes ensemble de la façon de réaliser le scenario prévu. Certaines scènes, avec des raccourcis opportuns, pouvaient même être tournées tout de suite, assez facilement. Pour d'autres, les choses étaient plus compliquées.
Pour la séquence de gymnastique en plein air, il suffisait de ne pas filmer la boue de l'esplanade, tourner la caméra vers le haut et montrer seulement des visages souriants et des premiers plans sur fond de ciel bleu. Pour ce qui était des cuisines, on pouvait filmer celles de la cantine des officiers.
A l'inverse, pour les séquences avec les enfants, les choses étaient plus compliquées. Les enfants, étaient envoyés aux chambres à gaz, dès leur arrivée au camp. Nous décidâmes que lors des prochaines arrivées, nous aurions retardé l'opération pour permettre le tournage. Cela suscita la critique du vice commandant qui voyait dans ce choix, une nouvelle réduction de l'efficience du camp. Il proposa que, pour tourner ces scènes, on utilise les enfants du village mais le commandant le fit taire en lui faisant observer que personne n'aurait pu faire passer nos enfants ariens pour des petits juifs.
Il fallut aussi chercher l'endroit approprié pour tourner les scènes mais il n'y en avait pas au camp; on décida donc d'aller à l'école du village et d'adapter une salle de classe. Ici encore, le vice commandant objecta que si on consentait aussi facilement aux enfants la possibilité de sortir du camp, ils auraient pu s'enfuir ou être subtilisés facilement, rendant ainsi vain tout le travail de concentration mis en œuvre précédemment. Le commandant accepta l'objection et prévit un "service de vigilance de fer", de façon à ce qu'aucun enfant ne puisse se soustraire à son destin
Lorsque nous commençâmes à tourner, nous découvrîmes que parmi les enfants qui devaient, disons fréquenter l'école de musique, seuls cinq étaient en mesure de solfier et de tenir en mains un instrument, correctement. Un soldat qui enseignait la musique dans le civil, fut chargé d'apprendre aux enfants les positions justes, de façon à ce que pendant les prises, on croie vraiment que l'on était entrain de faire répéter l'orchestre des petits. La musique, enregistrée ailleurs, aurait été ajoutée au montage.
Nous travaillâmes de cette façon pendant environ deux mois, faisant constamment face à l'irritation croissante du vice commandant qui était toujours plus impatient et n'attendait que le moment où les tournages et notre travail auraient été terminés.
Moi aussi, j'aurais voulu terminer le plus rapidement possible.
Ce que je faisais depuis que j'étais arrivé au camp était incompréhensible. Dire que c'était monstrueux, que c'était horrible, est tellement réducteur que, comme pour tous les lieux communs, cela ne veut rien dire.
Moi, je devais contribuer à construire un énorme mensonge pour la machine de propagande nazie, … un mensonge qu'en vérité, beaucoup voulaient croire, que ce soit en Allemagne ou ailleurs; "il appartient au mécanisme de l'oppression, d'interdire la conscience de la douleur qu'elle produit", comme devait l'écrire Adorno, quelques années plus tard.

A la mi-mai, arriva un train de déportés. Ils étaient tous hongrois. Le commandant donna l'ordre de suspendre la procédure normale; les nouveaux arrivés pouvaient servir pour le tournage du film. Bien évidemment, le vice commandant soutenait qu'il n'y a avait pas de place pour tous dans les baraques et qu'au moins une certaine sélection, dont il aurait pu se charger, devait être mise en œuvre. Le commandant au contraire, fut inflexible: les vieux et les femmes devaient servir pour créer une atmosphère familiale, les malades devaient être utilisés pour les dispensaires et pour l'hôpital du camp; tous les hommes devaient être affectés aux travaux et tous les internés, tous devaient être traités avec une certaine humanité.
Les nouveaux arrivants furent mis en carrés sur l'esplanade du camp et on procéda à leur identification et à leur enregistrement.
Le commandant et moi, nous assistions à ces opérations, lorsqu'à un certain moment, je me sentis observé. Dans le rang des hommes adultes un homme me regardait, le regard vaguement interrogatif. Je le reconnus et lui s'en rendit compte: c'était Hoffmann Sandor. Depuis mon arrivée au camp, je craignais que ce moment n'arrive; je craignais de le voir apparaitre devant moi… j'espérais qu'il ait pu réussir à fuir en Amérique ou en Suisse… ce matin-là, au contraire…
Nous échangeâmes un discret signe de reconnaissance. Je craignais que le fait de rendre notre connaissance publique ait pu lui porter tort en quelque sorte. J'attendis avec patience qu'arrive son tour et lorsqu'il fur devant le petit banc, je restai là, à écouter.
Nom et prénom !?
Sandor Hoffmann
Date de naissance !
22 mars 1906
Lieu de naissance ?
Budapest
Provenance ?
Budapest
Activité professionnelle ?
Ecrivain… directeur de théâtre et de cinéma.
"Donc un artiste !" s'exclama le vice directeur qui s'était rapproché, comme s'il avait soupçonné notre attitude.
"Il pourrait être utile à la réalisation du documentaire" lui répondit promptement le directeur, puis il se tourna vers moi "Je vous le confie, je suis sur que son aide vous sera utile dans la suite de vos travaux… nous avons tellement peu de personnel compétent…".
J'opinai en signe d'assentiment; je laissai les opérations d'enregistrement se poursuivre, pendant que je m'éloignai lentement, en compagnie du capitaine.

Ce soir-là, j'envoyai chercher Hoffmann Sandor et je le fis venir dans ma chambre. Lorsqu'il entra, je l'invitai à s'assoir dans un fauteuil, près du mien. Il s'assit et commença à me fixer sans un mot; je lui versai à boire, il prit le verre mais il continua de me fixer. Il avait raison, c'était moi qui lui devais des explications.
Je lui racontai tout ce qui était arrivé depuis que nous nous étions quittés.
Je lui parlai de mon travail, je lui parlai aussi de ma perplexité à propos de la propagande, du national-socialisme, de l'Allemagne, de la guerre, du futur.
Je n'avais pas voulu être compromis mais, j'étais…totalement compromis.
Qu'est-ce que je pouvais faire ? Que pouvait-on faire ?
Hoffmann Sandor m'écouta.
Je lui racontai ce qui se passait dans le camp et je lui décrivis des scènes auxquelles j'avais assisté, y compris celle du premier jour; celle du couteau… de l'étoile de David ensanglantée; "les moyens de gouverner le camp sont la force et la terreur" je répétai les paroles du vice commandant, qui à son tour citait Hitler.
Hoffmann Sandor m'écoutait, songeur; de temps en temps il secouait légèrement la tête et répétait tout bas "quelle honte… quelle honte", puis peu après, il retrouva le sourire… son sourire ironique d'"autrefois, comme s'il lui était venue une idée géniale, épique.
Il me lança un regard sournois et il me dit à voix basse: "je suis sur que tu l'as ici". Je le regardai seulement quelques secondes, puis j'ouvris ma valise, je le pris et je le lui donnai.
Il commença à le feuilleter et lut quelque ligne au hasard.

"Une petite vallée sans ombre… profonde, sablonneuse, isolée de toutes parts…", ça y ressemble, n'est-ce pas ?
"… le condamné… un homme à demi hébété… les cheveux et le visage en désordre… il avait l'air d'un chien soumis…"… il me regarda par en-dessous,  en opinant
"… la machine est une invention du commandant… le mérite lui en revient seul… l'ordonnancement de toute la colonie est son œuvre…" on aurait dit les paroles du vice commandant.
" Les vieux dessins du commandant… soldat, juge, ingénieur, chimiste…"
Ecoute çà, "…l'ordonnancement de la colonie est tellement ficelé que son successeur, quand bien même il aurait eu mille nouveaux projets en tête, n'aurait pu avant plusieurs années, changer ce qui avait été fait…". C'est bien ainsi, n'est-ce pas ?
Il lut la description de la machine.
"Tu vois, Kafka sait que chaque machine a un fonctionnement séquentiel… comme le moteur des automobiles… quatre temps… et ainsi, il a imaginé une machine en trois parties… trois temps
Le premier est le lit… d'abord le condamné est allongé sur le lit et là, il est bloqué, contraint… on lui ôte sa dignité… c'est ce qui nous est arrivé… nous avons été extraits de nos maisons, contraints dans des fourgons à bestiaux, encadrés, numérotés…
Puis vient le deuxième temps… le dessinateur… l'ensemble des engrenages qui déterminent le fonctionnement de la herse… de la machine qui tue… chaque soldat est une partie de la machine, chaque procédure est une partie de la machine…
Et enfin, la herse, les chambres à gaz, les fours crématoires… où la condamnation trouve son accomplissement… Kafka avait imaginé que la herse qui tue était en partie faite en verre, afin de permettre aux spectateurs, de voir… ici au contraire, ils ne veulent pas faire voir ce qui se passe vraiment… Ils ne veulent pas faire voir la façon dont sont traités les déportés… ici la machine de la propagande doit cacher la vérité…"
Il demeura pensif quelques secondes puis il rectifia "… à vrai dire ce n'est tout à fait comme ça. Tu as bien dit que le vieux commandant avait l'habitude de tuer en incisant au couteau, une étoile de David sur le corps de la victime… donc… à l'intérieur du camp, chacun doit voir - "les moyens de gouverner sont la force et la terreur"- mais à l'extérieur, personne ne doit savoir.
Il resta silencieux, puis d'un air complice, il me lança un défi: " tu pourrais être le verre… tu pourrais faire voir… tu pourrais filmer… en prétextant des essais de lumière, de cadrages… tu pourrais filmer les choses comme elles sont réellement… sans construire de mensonge… sans faire voir rien de plus que ce qui se passe vraiment… -il se tut un instant-… tu le leur dois… à ces morts".
Je croyais vivre la scène dans laquelle Antigone invite sa sœur Ismène à ensevelir le corps de leur frère mort, abandonné sur le champ de bataille.
Oui. Le seul moyen de racheter ma dignité était de raconter la vérité. Je devais raconter la vérité.
Son idée consistait à tourner deux films en parallèle; le premier aurait été celui voulu par la propagande, l'autre aurait représenté la réalité… la vérité.
Je n'aurais envoyé au développement que les bobines du film de propagande, les autres, je les aurais classées  comme des prises mauvaises, imparfaites, à ne pas développer mais je les aurais gardées et cachées, jusqu'au moment où j'aurais pu les faire développer, en lieu sur, éventuellement à l'étranger. C'était une idée machiavélique… et elle était réalisable… d'autre part, pour ce qui regardait la production, je disposais d'une certaine autonomie.
Hoffmann Sandor savait que j'aurais dit oui et sans attendre ma réponse, il poursuivit sa lecture en s'amusant presque et en opinant sans cesse, comme s'il trouvait des vérifications continuelles à son théorème:
"Rien ne dérangeait le fonctionnement de la machine, dans le grand silence on n'entendait que les soupirs du condamné…
On écrit sur le corps du condamné, le commandement qu'il a violé…
Connait-il sa condamnation ? Non, il serait superflu de la lui notifier… il apprendra à la connaître sur son corps…
Sait-il au moins qu'il a été condamné ? Non, ça non plus…
Et la défense ? A-t-il eu la possibilité de se défendre ?...
L'écuelle… c'est une bouillie de riz chaud et, si l'homme en veut, il peut manger ce qu'il peut arriver à prendre avec la langue. Personne ne perd une telle occasion…
Au cours des six premières heures, le condamné vit presque comme avant, il ne ressent que de la douleur…
Seulement vers la septième, il perd l'envie de manger… comme l'homme s'apaise après la septième heure… l'intelligence s'entrouvre, même chez le plus obtus… l'homme déchiffre ce qui est écrit sur ses blessures…
Ici repose le vieux commandant. Ses disciples, dont on ne doit plus désormais citer le nom, ont creusé cette tombe et posé cette plaque. Il est une prophétie qui dit que le commandant, après un certain nombre d'années, ressuscitera et guidera ses disciples à la reconquête de la colonie. Ayez foi et attendez".

Ca fait peur, hein ? Mais ne vois-tu pas…, ne vois-tu pas ? Kafka était un prophète… un de ceux qui voient avant… avant que les choses n'arrivent.

A partir de ce jour-là, nous commençâmes à tout enregistrer. Le commandant s'était rendu compte du changement dans notre façon de travailler, mais il n'intervint pas.
Nous filmâmes l'arrivée des nouveaux trains, les déportés hagards, qui descendaient des wagons après des jours de voyage dans des conditions inhumaines; le triage, l'immatriculation, l'envoi au travail, souvent inutile mais toujours massacrant; les petites et grandes brimades; les humiliations imposées aux femmes dénudées en public… rasées sur tout le corps; les humiliations imposées aux vieux, à qui on mesurait le nez, les oreilles, et d'autres parties du corps pour les besoins de grotesques statistiques  anthropologiques. Nous filmâmes l'envoi aux chambres à gaz; nous filmâmes les morts et la fumée qui sortait des fours crématoires. Nous filmâmes tout.
Je m'efforçais de prolonger les travaux au maximum; je savais qu'après mon départ, pour Hoffmann Sandor, c'aurait été presque immédiatement la fin. Le vice commandant lui aurait certainement fait payer durement le traitement de faveur dont il avait bénéficié jusque là.
Le mois de décembre arriva. Les choses tournaient mal pour l'Allemagne.
Le commandant avait compris quelle serait l'évolution inévitable et désormais proche et ainsi, pour se sauver – je ne le juge pas, cela n'est pas de ma compétence-, dans les premiers jours de décembre il décida de rentrer à Berlin, d'où il réussit à fuir en Amérique du sud. La direction du camp fut remise entre les mains du vice commandant. Les voix sur l'état de la guerre parlaient d'une situation toujours plus critique. Le vice commandant était pris d'une hystérie frénétique, il ne cessait de répéter qu'il fallait absolument mener le travail à son terme. Les massacres reprirent furieusement.
Nous, nous filmions tout; nous devions attester de tout ce qui se passait.
Le vice commandant délirait maintenant: "j'use toutes mes forces pour maintenir en vie tout ce qui existe, pour compléter ce qui a été commencé et qui doit absolument être mené à terme… il n'y a pas de temps à perdre… aujourd'hui, on entend de plus en plus de discours ambigus… " il voyait des complots et des trahisons partout: " C'est impossible qu'un tel travail ne soit pas…, ne soit pas terminé à cause de…" il haïssait le commandant parce qu'il avait fait obstacle par tout moyen au travail dans le camp " sa façon de penser, liée aux préjugés de la culture libérale et chrétienne est inacceptable"; la critique était, à peine voilée, dirigée contre nous qui, avec nos exigences, avions offert au commandant plus d'une occasion pour retarder le travail.
Nous le filmâmes, lui aussi, pendant qu'il soulageait sa rage en paroles mais aussi par une brutalité désormais sans plus aucun frein. Vers la mi-janvier, on commença à entendre les échos des bombardements des forces russes qui avançaient. Le vice commandant ordonna de furieuses exécutions de masse. Les corps des victimes étaient empilés en de gros tumulus, arrosés d'essence et brûlés.
Quand, le 25 janvier, au fond de l'allée qui menait au camp, trois chars d'assaut russes apparurent avec, derrière eux, un groupe de soldats russes, nous étions encore entrain de filmer. Le vice commandant commença à tirer dans tous les sens en hurlant "détruisez tout… détruisez tout!", il arriva sur nous et pour défouler toute sa rage, il déchargea tout le reste de son chargeur contre Hoffmann Sandor. Puis il lança son pistolet contre le cadavre qui gisait à terre, moi, je continuai à filmer. Il me regarda avec une haine féroce, se déshabilla, resta torse nu, prit le couteau que le commandant lui avait laissé en héritage et rapidement, se traça en plein sur la poitrine, une croix gammée de sang. Puis il appuya la pointe du couteau contre sa poitrine, du côté du cœur et se jeta à terre de façon à faire pénétrer toute la lame sous son poids. Il mourut comme ça, dans une marre de sang. Je fis retourner le cadavre, le svastika incisé sur la poitrine du vice commandant fut la dernière image. Même cette scène, le suicide du vice commandant, avait été prévue par Kafka. A la fin l'officier de Kafka se suicide aussi avec la machine de la colonie pénitentiaire en proclamant sa fidélité délirante et obstinée au programme du projet, jusqu'au moment ultime et décisif de la révélation incontestable de son évidente folie.
Je continuai à filmer jusqu'à l'arrivée des soldats russes.
Pendant que les soldats russes, stupéfaits, regardaient tout autour d'eux, quelques SS qui ne s'étaient pas rendus et qui s'étaient réfugiés dans une baraque, lancèrent deux grenades Les russes coururent se mettre à l'abri; ce furent des moments de panique; j'en profitai pour sortir le dernier rouleau de pellicule de la camera et je m'enfuis vers le village; je le remis au curé catholique de l'église et je le priai de toute mon âme, de le cacher et de le conserver jusqu'à ce que je revienne le reprendre… ce que je fis après le procès.
Oui, parce que, comme tu le sais, après la guerre il y eut un procès. Un petit procès, pas aussi fameux que celui de Nuremberg; un petit procès, devant une petite commission.
Je racontai simplement la vérité, en reconnaissant ma participation aux programmes de propagande; je racontai tout ce dont j'avais été le témoin dans le camp; je racontai aussi ma rencontre et ma collaboration avec Hoffmann Sandor, en évitant cependant toute référence au film parallèle. Je ne voulais pas que les matériaux que nous avions recueillis en secret, tombassent aux mains des russes, des américains ou d'autres.
Non, nos prises de vues étaient des documents réels, mais elles étaient surtout du matériel pour construire une œuvre d'art, telle que Hoffmann Sandor l'avait conçue. Moi et moi seul, pouvais et devais en faire le montage.
Au procès, je reconnus ma culpabilité: la lâcheté de ne pas vouloir être compromis, la lâcheté d'une neutralité inacceptable, la lâcheté de vouloir être au-dessus des parties, la lâcheté du manque de clairvoyance, la lâcheté de l'attente, en espérant que le temps résoudra tout. Oui je reconnus toutes mes fautes
J'avais été complice de la propagande… la propagande… ce carnaval, cette mascarade, à même de transformer la danse macabre de ces régimes en fête triomphale capable d'enchanter… d'hypnotiser, d'exalter des peuples tous entiers; cette propagande qui fait son lit sur la stupidité de celui qui l'écoute; cette propagande qui avance en distribuant ses fruits empoisonnés: premiers fruits, la peur et la haine; cette peur et cette haine qui génèrent l'intolérance, la violence, la brutalité, l'assassinat. Cette peur et cette haine qui portent à l'anéantissement de sa propre dignité humaine et de celle d'autrui.
La propagande est la pire des armes des régimes totalitaires; la propagande est la pire de la pire des polices secrètes qui séquestre, torture et tue; la propagande est l'arme avec laquelle les régimes déforment le tréfonds de l'identité des peuples et de cette façon, la détruisent.
Je n'étais pas le seul coupable, je le savais. La propagande s'était également servie de la radio et des journaux. L'école et les enseignants étaient aussi coupables; les églises, avec leurs pasteurs et leurs prêtres. Tous, presque tous, silencieux et réticents. Tous avaient renoncé à dire la vérité. Tous avaient renoncé à leur fonction éducatrice.
La communauté internationale était également coupable… même la communauté internationale avait fait ses petits pas…oui, même ceux qui alors nous jugeaient, n'avaient pas toujours été lucides et déterminés dans leur action contre le national-socialisme…
… et quand les petits pas portent au point de non retour… lorsque arrive le temps de l'impuissance, alors on ne peut plus rien faire; il faut seulement que chacun accepte de prendre ses responsabilités et soit disposé à payer pour ses erreurs… l'erreur la plus grave a été celle d'hésiter. Hitler et les siens devaient être stoppés tout de suite, même s'ils avaient gagné les élections. Il fallait les stopper tout de suite par tout moyen. Il y aurait eu des millions et des millions de morts en moins.
Je n'étais pas le seul coupable mais cela ne diminuait en rien mes responsabilités… ce n'était pas une consolation. Je demeurai silencieux pendant tout le reste du procès, prêt à accepter la condamnation qui m'aurait été infligée, quelle qu'elle fut. Souvent, je repensais à cette dernière phrase du récit de Kafka, que Hoffmann Sandor lut le premier soir de notre rencontre dans mon logement: "… Ici repose le vieux commandant. Ses disciples, dont on ne doit plus désormais citer le nom, ont creusé cette tombe et posé cette plaque. Il est une prophétie qui dit que le commandant, après un certain nombre d'années, ressuscitera et guidera ses disciples à la reconquête de la colonie. Ayez foi et attendez".
Ayez foi et attendez: la prophétie dit que l'horreur reviendra… cette horreur toujours prête à revenir, soutenue… poussée par le vent des nouvelles et diverses formes de la propagande.
Je fus absout, je n'avais pas commis de crimes effroyables, je n'avais pas ordonné de massacres. Je fus absout par une justice banale; une justice qui ne condamne seulement que les bourreaux.
Je fus absous mais, ma vie était désormais…était un tas de ruines et allait le rester pour toujours. Je tentais de me reconstruire une normalité, hors d'Allemagne… le mariage, les enfants… je tentai parce qu'il me restait encore un devoir envers la vie… envers un ami… je devais monter le film… je devais. Maintenant, le film secret de Hoffmann Sandor… la dernière mise en scène de Hoffmann Sandor … "Dans la colonie pénitentiaire", librement inspiré du roman de Franz Kafka, est entre tes mains. C'est un film précieux. Montre le aux historiens du cinéma, fait en sorte qu'il soit projeté et conservé dans les cinémathèques.
Je suis obsédé par une question à laquelle je ne sais pas trouver de réponse.
Comment se défendre ? Comment les peuples peuvent-ils se défendre contre le démon équivoque de la propagande ?
Sans doute, seules la raison et la culture pourront sauver les peuples; une culture authentique, profonde.
Mais trop souvent la culture se transforme en érudition stérile ou en préjugé au service de nos propres préjugés et de nos choix idéologiques personnels… trop rarement la culture réussit à devenir la force qui nous permet de comprendre les vraies valeurs, les valeurs profondes.
Trop souvent la raison s'endort et la culture devient un exercice inutile…
C'est ainsi, mon fils, pas de réponse et peu d'espoir… je t'embrasse… excuse mon manque d'ironie… excuse-moi si je ne parviens pas à me construire des illusions… et à vivre comme si de rien n'était. Je ne peux vivre dans la terreur que ce qui est arrivé puisse de nouveau se produire… s'il est terrible d'avoir une telle crainte, en sachant qu'on a été et qu'on peut à nouveau être des victimes… c'est insupportable d'avoir cette peur en sachant qu'on a été et qu'on peut à nouveau être des bourreaux.
Excuse-moi… ton père".

… avant de projeter ces images… je voudrais ajouter une petite réflexion… une relation… un souvenir. Mon père… un fantôme… je ne me rappelle pas avoir jamais entendu le son de sa voix… ma mère respectait son silence, sa fermeture au monde…lorsque ma sœur et moi nous jouions… nous faisions attention à ne pas le déranger… nous avons été élevés ainsi à l'accepter et à le respecter. Lorsque, plus grand, je demandai à ma mère pourquoi mon père était… aussi… elle me répondit seulement qu'il avait beaucoup souffert…
La seule chose que je puis ajouter à tout ce qui a déjà été dit, est une chose que mon oncle Luca Alberto, le frère de ma mère, m'a dite… il me fit part d'un bref échange qu'il avait eu avec mon père… c'était au début de 1954; mon oncle vint chez nous avec un cadeau… un téléviseur…les émissions de la RAI venaient de débuter… mon père et mon oncle parlèrent un peu… mon père comprit immédiatement… si avec la radio, les journaux, le cinéma… on était arrivés, là où on était arrivés… qu'allait-il advenir maintenant, avec ce nouveau média qui, comme la radio, allait pouvoir entrer dans toutes les maisons et apporter dans toutes les maisons, non seulement les discours mais aussi les images… les mensonges de la propagande allaient être beaucoup plus convaincantes, beaucoup plus efficaces…
Mon père avait immédiatement compris qu'à travers la télévision, la propagande allait être invincible… et il perdit tout espoir. Peu de mois après, il cessa définitivement de parler…

S'il vous plaît… nous pouvons commencer la projection.


A ce moment, on éteint les lumières dans la salle et suit une courte projection d'images des camps (mais aussi, des parades nazies et de Hitler qui s'adresse aux foules en délire). La séquence se conclut sur l'image du visage de Franz Kafka.



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La dernière mise en scène de Hoffmann Sandor by 
Luigi Alcide Fusani is licensed under a Creative Commons Attribuzione - Non commerciale - Non opere derivate 3.0 Unported License.

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